Al Kanz | 14 août 2013
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A Massy, dans l’Essonne, une mosquée unique en son genre en France pourrait ouvrir ses portes dans quelques mois. A l’initiative du conseil des musulmans de Massy, cette mosquée verte est le fruit d’une collaboration avec des ingénieurs de l’Ecole polytechnique féminine (EPF) sise à Sceaux, dans les Hauts-de-Seine. Interview.
Al-Kanz : Pourriez-vous nous présenter un bref historique du projet de mosquée à Massy ?
Conseil des musulmans de Massy (CMM) : La volonté de construire une mosquée à Massy remonte à plusieurs dizaines d’années à une époque où nos anciens arrivaient depuis leur terre natale dans un pays où rien n’était prévu pour la pratique de leur religion. Contraints de prier dans des conditions précaires ou hors de leur ville, les musulmans de Massy se sont regroupés et ont uni leurs forces pendant plusieurs années dans le but de construire un lieu de culte digne. Aujourd’hui, ce projet est dans sa phase de concrétisation. Les Massicois entendent le mener à son terme, afin de vivre pleinement leur foi.
Al-Kanz : Le CMM a mené une étude très poussée en étroite collaboration avec l’EPF-Ecole d’ingénieurs de Sceaux. Comment avez-vous vu convaincu l’EPF ?
CMM : Pour nous il s’agissait de trouver un soutien dans l’objectif d’améliorer la conception de notre édifice du point de vue de l’environnement et de la durabilité. La motivation première a été la gestion de l’eau qui pour les musulmans a une haute portée symbolique au travers de la purification quotidienne des cinq prières. Il nous fallait donc optimiser sa gestion pour économiser au mieux cette ressource. Lorsque nous nous sommes adressés à l’EPF au travers de l’option EIE (Environnemental and Innovative Engineering), le projet a été accueilli avec bienveillance ; d’autant plus qu’il s’agissait d’un projet en cours de construction donc un bon cas d’école pour les étudiants de l’option. Trois grandes étapes ont ainsi été initiées depuis septembre 2010 :
- une première étude de pré-faisabilité a permis, au travers d’une démarche HQE (haute qualité environnementale), de mettre en avant les solutions adaptées à la construction et à la gestion de la mosquée, en alliant réduction des frais de fonctionnement et respect de l’environnement. L’isolation, l’optimisation des lumières, la gestion de l’eau, le chauffage et la climatisation sont les différents sujets sur lesquels ont travaillé les étudiants et qui permettront de réduire la consommation énergétique de la mosquée.
- une seconde étude a ensuite été menée pour analyser les conclusions d’un rapport thermique et d’une étude de pré-faisabilité géothermique afin de nous aider dans nos choix énergétiques.
- une troisième étape est actuellement en cours de réalisation : il s’agit d’obtenir la labellisation en matière de développement durable et environnemental. Cette labellisation est réalisée en partenariat avec Gilles Olive, fondateur de la norme HQE. Elle a pour but de valider et de récompenser les efforts réalisés pour ce projet du point de vue de l’environnement et de la durabilité.
Al-Kanz : « Mosquée verte », c’est ainsi que nous avons qualifié la future mosquée de Massy dans un article en janvier 2012. Êtes-vous d’accord avec cette appellation ?
CMM : Les étudiants de l’EPF ont qualifié le projet de « Green Mosquee »… Du point de vue environnemental et durable, ce sera la première mosquée labellisée en France. Nous avons eu une démarche avec le souci de préserver au mieux les ressources naturelles que Dieu nous met à disposition. Tout cela dans un contexte particulier (commun à la majorité des projets de construction de mosquée en France) de limitation financière pour la réalisation du projet : notons que nous avons commencé la construction avec 30 % du budget et nous sommes actuellement à un peu plus de la moitié du budget au moment où le gros-œuvre vient de se terminer.
Du point de vue environnemental et durable, ce sera la première mosquée labellisée en France.
Al-Kanz : Pourquoi avoir choisi de faire construire une éco-mosquée ?
CMM : C’est avant tout une démarche motivée par la préservation des ressources naturelles. De plus, faire écologique permet d’économiser beaucoup d’argent dans la gestion du bâtiment. On s’inscrit ainsi dans le long terme en alliant intérêt écologique et intérêt financier.
Al-Kanz : Le choix d’une mosquée verte a-t-il généré un surcoût financier ou des difficultés particulières ?
CMM : Le surcoût est évident. Pour obtenir une efficacité énergétique meilleure, il nous a fallu mieux isoler, choisir des matériaux plus performants, choisir des procédés de construction plus contraignants (géothermie, chauffage au sol, isolation par l’extérieur, ventilation double flux, récupération des eaux de pluies, etc.). Notre challenge a été de limiter ce surcoût tout en maintenant une performance optimale. C’est notamment pour cela que nous avons orienté nos études thermiques par une contextualisation dynamique adaptée à l’édification d’une mosquée, bâtiment avec un fonctionnement particulier rythmé par les cinq prières quotidiennes, la prière hebdomadaire du vendredi et les événements clés associés au calendrier musulman.
Al-Kanz : Pensez-vous qu’il soit possible de répliquer un tel projet ailleurs en France ?
CMM : De nombreux projets de mosquée actuellement en France ont ce souci d’une gestion durable. Beaucoup d’efforts et de progrès sont constatés. Une prise de conscience est manifestement en cours de développement.
Al-Kanz : C’est peut-être l’occasion de mettre en place un guide pour construire ou mettre aux normes écologiques une mosquée. Diffusé en France et à l’étranger, il pourrait permettre aux musulmans de penser leurs mosquées en accord avec ce que l’islam dit du respect de l’environnement.
CMM : Dans le cadre de ce projet, nous avons beaucoup appris des autres mosquées. Capitaliser l’expérience serait important pour aider les nouveaux projets à faire bien. C’est un travail collaboratif auquel on pourrait participer avec notre modeste expérience. Reste à faire émerger l’initiative…
Al-Kanz : Il faut dire que tout au long du chantier le CMM a régulièrement publié sur son site Internet l’évolution du chantier. Pourquoi ce choix ?
CMM : C’est avant tout une demande des fidèles qui souhaitent être informés des évolutions du projet, ils veulent vivre l’évolution du projet. De plus, la gestion autonome de ce projet nécessite d’être le plus transparent possible. Il est en effet important d’informer nos donateurs des évolutions des travaux afin de justifier des dépenses, mais également de conserver leur confiance et ainsi leur soutien continu dans le financement du projet. Notre principale crainte serait d’être obligé d’arrêter les travaux faute de financement. De plus, l’information est aussi destinée aux habitants de la ville, aux pouvoirs publics ainsi qu’aux autres communautés religieuses. Des visites régulières sont également organisées dans ce sens.
Al-Kanz : Dans une mosquée verte, on imagine des musulmans verts, n’est-ce pas ? Avez-vous mis en place des campagnes de sensibilisation, voire un règlement intérieur visant à informer et éduquer les musulmans au respect de l’environnement ?
CMM : Les musulmans sont à l’image de notre société… La sensibilisation sur le sujet est une nécessité même si le bâtiment permettra d’aider à une meilleure gestion et à une meilleure communication sur le respect de l’environnement. Pour le moment, nos efforts sont concentrés sur la construction.
Donnez pour soutenir la mosquée verte de Massy
Si tous les projets de mosquée doivent être soutenus, il nous paraît important de soutenir cette mosquée en particulier, car nous avons-là un modèle de ce que vers quoi les musulmans doivent tendre en matière de souci de l’environnement à la fois écologique et social. Pour soutenir par vos dons, la mosquée de Massy, qui a besoin encore de près de deux millions d’euros pour être achevée, rendez-vous sur le site de l’association : Je donne à la mosquée de Massy.